Faut-il encore être féministe en 2014?
Alors que je côtoie quotidiennement un gros chantier de construction et ses différents protagonistes, je me demande pourquoi j’en suis réduite à supplier mon mari d’intervenir à ma place pour la moindre broutille qui concerne ces messieurs de l’Opac, de la mairie ou du BTP.
Pourquoi j’ai l’impression d’être blonde, d’avoir un tablier rivé aux hanches et des bigoudis sur le caillou à chaque fois qu’ils s’adressent à moi.
La réponse est peut-être parce qu’ils ne me prennent pas au sérieux…
Malheureux qu’ils sont, car comme disait mon pote Raoul Volfoni : « y connaissent pas Raoul les mecs ! » (Pour ceux qui n’auraient jamais vu les tontons flingueurs, 3 tours de stade en plus !)
« Etalés aux quatre coins d’Aix-Les-Bains façon puzzle, qu’on va les r’trouver ! »
Et là, je me dis que ces charmants messieurs qui ne font pas tous dans le raffinement vont sauter sur l’occase à pieds joints et me traiter d’hystérique…
Mais alors que faire ???
Une de mes proches me donna un conseil avisé : « Dans la vie d’une femme, il arrive parfois qu’elle doive se comporter comme un homme et mette ses « corones » sur la table ! »
Moi je veux bien, sauf que :
-de un, je n’ai pas de costume 3 pièces en ma possession (par contre, j’ai vraiment les boules).
-de deux, je vois pas trop comment faire concrètement…
Alors j’imagine, j’envisage, je liste les différentes possibilités qui s’offrent à moi.
Arborer un t-shirt avec les manches courtes elles-mêmes retroussées laissant apparaître un proéminent tatouage biccipital clamant « Juju for ever » dans sa partie supérieure et « merde à tout » dans sa partie inférieure (pardon maman). Porter la gitane sans filtre au coin du bec et me gratter ostensiblement la région pésupposée des « corones » (vous savez rouler les « r » ?) en les alpagant : « Mais qu’est-ce que vous branlez les mecs ? »
Porter chemise, cravate, attaché-case, chaussures italiennes et faire croire que le maire est mon meilleur pote et que j’ai été sa botte secrète dernièrement… Genre : « s’il aété réélu, c’est uniquement grâce à moi ! »
Sauf que, même pour de faux, j’peu pas faire comme si j’étais cheftaine de cabinet du maire, ma religion me l’interdit !
Ou alors, dernier recours, libérer la bête, laisser parler l’animal sauvage et instinctif qui dort en moi.
Alors là, vu que je prends quotidiennement la route et ma voiture pour aller travailler, j’ai des exemples tout-à-fait parlants… Remarquez, un seul suffira.
L’hiver dernier, à l’entrée de la voie rapide, là exactement où la route s’élargit et passe de 1 à 2 voies de circulation, juste après le rond-point d’Intermarché (vous voyez ?), la circulation stoppe net. C’était un matin brumeux et je supposai un carambolage entre deux automobilistes imprudents. D’autant que je venais de voir un véhicule débouler et doubler en faisant l’extérieur du rond-point… Attitude de Fangio + rangée de feux stops allumés + colonne de voitures qui s’arrête = ACCIDENT !
Que nenni !
Le Fangio en question s’était fait chahuté d’une quelconque manière par le zig devant lui et avait laissé s’exprimer le primitif qui réside à titre gracieux en lui : il double l’emmerdeur, pile, tire son frein-à-main, descend de bagnole, fait ouvrir sa fenêtre à l’emmerdeur et lui administre un magistral bourre-pif !
Le mâle dominant, satisfait par sa démonstration de force, re-enfourche son fidèle destrier et repart dignement, voire pire, stoïquement, vers la suite de ses aventures…
Voilà, voilà… Donc je pourrais aller casser la gueule au mec du BTP (le patron puant) ou à l’huissier véreux, d’autant que si j’arrive l’air de rien, avec mon déguisement de godiche et mon rouleau à pâtisserie à la main, ils n’y verront que du feu…
Et bien oui mesdames, parfois je me prends à rêver et à imaginer un monde un peu plus parfait, un monde où je pourrais me comporter comme UN con et mettre mes « corones » sur la table !!!
A la question posée, la réponse est donc un oui majeur, MAJUSCULE et capital : il faut encore et toujours être féministe en 2014.
Edith.